08 décembre 2013 ~ 1 Commentaire

Bahiya Sutta Canon pali (mais qui donc est sur la voie qui mène à l’état d’arhat ?)

 

Bahiya Sutta

 

(Udana Nikaya I.10)

http://www.dhammadelaforet.org/sommaire/sutta_tipaka/txt/bahiya.html 

Traduit par Jeanne Schut

 

J’ai entendu dire qu’à une certaine époque où le Bouddha résidait à Savatthi, dans le verger de Jeta, au monastère d’Anathapindika, un ascète nommé Bahiya « l’homme vêtu d’écorce », vivait à Supparaka, au bord de la mer. Cet homme était adoré, révéré et honoré, on lui rendait hommage et on lui offrait les quatre nécessités : l’aumône de nourriture, le logement, les robes de moine et les médicaments en cas de maladie. Un jour qu’il méditait dans la solitude, la pensée suivante lui vint à l’esprit : « Fais-je partie des Arahants de ce monde ou suis-je engagé sur la voie qui mène à l’état d’Arahant ? »

A ce moment-là, un deva qui, dans le passé, avait été un proche parent de Bahiya, sachant la pensée qui le traversait, plein de compassion et désireux de l’aider, se rendit auprès de lui et lui dit : « Toi, Bahiya, tu n’es pas un Arahant et tu n’es pas sur la voie qui y mène. D’ailleurs ta pratique ne te permettrait même pas de le devenir ni d’entrer sur cette voie. »

« Mais qui donc, dans ce monde et ses deva, est un Arahant ou est engagé sur la voie qui mène à l’état d’Arahant ? »

« Bahiya, dans le nord du pays se trouve une ville du nom de Savatthi. Le Bouddha — un Arahant pleinement éveillé par lui-même — y vit. C’est un véritable Arahant et il enseigne le Dhamma qui mène à l’état d’Arahant. »

Alors Bahiya, plein d’une profonde humilité suite aux paroles du deva, quitta Supparaka sur-le-champ et, en l’espace d’un jour et d’une nuit, parcourut la distance qui le séparait du Bouddha jusqu’à Savatthi, dans le verger de Jeta, au monastère d’Anathapindika. Quand il arriva, de nombreux moines pratiquaient la méditation en marchant en plein air. Il se dirigea vers eux et demanda : « Vénérables amis, où donc se trouve le Bouddha, l’Arahant pleinement éveillé par lui-même ? Nous voulons le voir. »

« Il est allé en ville quêter sa nourriture. »

Alors Bahiya quitta le verger de Jeta en toute hâte et, arrivé à Savatthi, il vit le Bouddha qui quêtait sa nourriture : calme, apaisant, ses sens en paix, son esprit en paix, tranquille et posé dans le sens ultime du terme, accompli, entraîné, attentif, modéré dans tous ses sens — un grand Etre. En le voyant, il s’approcha du Bouddha puis, arrivé à sa hauteur, il se jeta à terre en posant sa tête sur les pieds du Bouddha et dit : « Enseigne-moi le Dhamma, toi l’Eveillé ! Enseigne-moi le Dhamma, toi qui as trouvé la Libération ! Ce sera pour moi un bienfait durable et une félicité. »

A ces mots, le Bouddha lui dit : « Ce n’est pas le moment, Bahiya. Nous sommes venus en ville pour quêter la nourriture. »

Une seconde fois, Bahiya dit au Bouddha : « Mais il est difficile de savoir quels dangers menacent la vie de l’Eveillé ou quels dangers menacent ma vie. Enseigne-moi le Dhamma, toi l’Eveillé ! Enseigne-moi le Dhamma, toi qui as trouvé la Libération ! Ce sera pour moi un bienfait durable et une félicité. »

Pour la seconde fois, le Bouddha lui répondit : « Ce n’est pas le moment, Bahiya. Nous sommes venus en ville pour quêter la nourriture. »

Une troisième fois, Bahiya dit au Bouddha : « Mais il est difficile de savoir quels dangers menacent la vie de l’Eveillé ou quels dangers menacent ma vie. Enseigne-moi le Dhamma, toi l’Eveillé ! Enseigne-moi le Dhamma, toi qui as trouvé la Libération ! Ce sera pour moi un bienfait durable et une félicité. »

« Très bien Bahiya. Voici comment tu dois pratiquer :

Dans ce qui est vu, qu’il n’y ait que ce qui est vu

Dans ce qui est entendu, qu’il n’y ait que ce qui est entendu

Dans ce qui est ressenti, qu’il n’y ait que ce qui est ressenti

Dans ce qui est connu, qu’il n’y ait que ce qui est connu.

Voilà comment tu dois pratiquer. Quand, pour toi, il n’y aura que ce qui est vu dans ce qui est vu, que ce qui est entendu dans ce qui est entendu, que ce qui est ressenti dans ce qui est ressenti et que ce qui est connu dans ce qui est connu, alors, Bahiya, il n’y aura pas de toi dans ces termes. Quand il n’y a pas de toi dans ces termes, il n’y a pas de toi là-dedans. Quand il n’y a pas de toi là-dedans, tu n’es ni ici ni là-bas ni entre les deux. Cela, simplement cela, est la fin de la souffrance. »

En entendant cette brève explication du Dhamma de la bouche du Bouddha, l’esprit de Bahiya l’homme vêtu d’écorce fut libéré sur-le-champ de tous les poisons sous-jacents car ceux-ci n’avaient plus nulle part où s’accrocher et plus rien pour se nourrir. Ayant dispensé à Bahiya l’homme vêtu d’écorce ce bref exposé du Dhamma, le Bouddha s’en alla.

Peu après le départ du Bouddha, Bahiya, attaqué par une vache, perdit la vie. Plus tard, en rentrant de sa quête de nourriture à Savatthi, accompagné de nombreux moines, le Bouddha vit que Bahiya était mort. En le voyant il dit aux moines : « Prenez le corps de Bahiya, mettez-le sur une couche, emportez-le et brûlez-le, et puis construisez quelque chose en mémoire de lui. C’est un de vos compagnons dans la vie sainte qui est mort. »

« Il en sera fait ainsi », répondirent les moines. Après avoir placé le corps de Bahiya sur une couche, l’avoir emporté et brûlé, et après avoir construit un mémorial, ils allèrent voir le Bouddha. Arrivés près de lui, ils se prosternèrent et s’assirent sur le côté. Assis là, ils lui dirent : « Vénérable, le corps de Bahiya a été brûlé et son mémorial construit. Où va-t-il aller maintenant ? Dans quel état va-t-il renaître ? »

« Moines, Bahiya l’homme vêtu d’écorce était sage. Il pratiquait le Dhamma selon le Dhamma et il ne m’a pas ennuyé avec des questions relatives au Dhamma. Moines, Bahiya l’homme vêtu d’écorce est totalement libéré. »

Réalisant le sens de ces paroles, le Bouddha s’exclama à cette occasion :

Là où l’eau, la terre, le feu et l’air n’ont plus de prise

les étoiles ne brillent pas,

le soleil est invisible,

la lune n’apparaît pas,

l’obscurité n’existe pas.

Et quand un sage,

un Brahmane par la sagesse,

découvre cela par lui-même,

il est libéré

de la forme et du sans-forme,

de la félicité et de la souffrance.

 
 

Ce sutra signifie que, par la réalisation de l’attention dans la méditation, l’acte de voir se purifie de ses accompagnements égotiques qui voile cette opération de l’esprit (interprétations, souvenirs et commentaires de l’égo relatifs à l’objet vu et au rapport entre « moi », « je vois » et l’objet, qui font que l’esprit égotique perçoit l’objet comme ayant toujours un sens en rapport à son existence passée, présente ou future), et qu’il en est de même des autres actes (entendre, sentir, goûter, toucher et percevoir les phénomènes mentaux qui traversent l’esprit égotique). Ainsi la notion illusoire de « soi » ayant disparu de l’attention (c’est-à-dire de la présence de l’esprit à l’objet), l’esprit apparaît pour ce qu’il est : vide de « soi ». La présence développée par l’esprit dans la méditation a en effet rencontré l’objet dans un rapport d’intimité tel qu’il n’y a plus de séparation dualiste entre le sujet et l’objet, ceux-ci apparaissant désormais comme de simples phénomènes produits par l’esprit et ayant donc la même nature que celui-ci, vide de soi. Au contraire, lorsque l’esprit est dans l’ignorance c’est-à-dire lorsqu’il n’est pas éveillé à sa propre connaissance, il éprouve l’existence des phénomènes par l’intermédiaire des six sens, ce qui donne aux objets une apparence (illusoire) d’existence en soi, nécessaire dans le cadre de l’existence dualiste d’un esprit égotique.

Ce petit commentaire mériterait peut-être des précisions de la part d’enseignants du Dharma : il découle de ce que j’ai retenu d’un enseignement oral d’Ajahn Sundara à Paris en décembre 2013.

 

Laure Sandre

 

Une réponse à “Bahiya Sutta Canon pali (mais qui donc est sur la voie qui mène à l’état d’arhat ?)”

  1. Merci pour cette luminosité.


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